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ELISABETH GORE |
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Article paru dans Miroir de l'Art #113
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Elisabeth Gore, une artiste « aux univers remplis d’émotion
».
Une peintre qui du bout de ses pinceaux a l’art de murmurer
ses histoires à l’oreille des voyageurs qu’elle
embarque. "Je ne sais pas d’où ses histoires me
viennent", affirme l’artiste quand chaque jour la toile
l’appelle, « ça vient d’ailleurs. »
Un ailleurs qui dessine un chemin que l’on emprunte à
pas de velours, slalomant doucement entre ces aspérités,
ovules, traces, lignes et cellules qu’elle esquisse sur
l’acrylique avec son couteau.
Des territoires pas si désertiques pour qui s’approchera
de la toile d’un pas ou deux. Laissant, ainsi, son empreinte
en cette terre qui oscille entre sable et craie, teintée
d'ocre rouge ou de verre amande.
Des paysages, parfois, traversés d’une griffe, d’une
ligne, jetée à l’encre de Chine. Comme un
obstacle soudain, une frontière, infranchissable ? Surement
pas ! Car ces fertiles parcelles peuvent tout autant soudainement
se confondre, se marier, pour mieux se repousser, s’isoler
enfin.
Pour les apprivoiser, il peut être judicieux de prendre un
peu de hauteur, la toile se muant alors en vue satellitaire depuis
laquelle on prend le temps d’observer la vie qui grouille,
qui vibre en souterrain.
Car infatigable, souvent insatisfaite, Elisabeth Gore travaille
par superposition. N’hésitant pas à recouvrir
cette couleur devenue au lendemain d’un premier jet trop
criarde.
"À la surface, c’est tout à fait moi,
en dessous, ce sont mes prétentions". Des prétentions
non assumées dont il reste toujours ici ou là un
vestige, un souvenir, une résurgence qui refait surface.
L’histoire se réécrivant alors des récits
sans nul doute nourris à l’encre de son hypersensibilité.
"La peinture est le seul moyen que j’ai trouvé
pour faire quelque chose de positif des choses qui me submergent."
Ne reste plus alors, comme un point final, à poser le titre.
Par un mot, un titre "pas si tranquille que ça",
un mot qui va "parler à l’oreille" un titre
comme une" invitation au voyage" Un dernier mot avant
que la toile n’aille à la rencontre de l’autre.
Richard RASPES (article paru dans l’est républicain
janvier 2023)
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Article paru dans L'Agora des Arts
Dessiner des histoires, c’était mon seul langage à quatre ans, ma
façon de communiquer », confie Elisabeth Gore. Mais quand la parole
est venue, l’artiste en herbe n’a pas pour autant abandonné crayons
et pinceaux. Modèle d’un sculpteur dès l’adolescence, fascinée par
la lumière de la Côte d’opale qui l’a vue naître en 1963, motivée
par l’implication et la justesse de l’œuvre de peintres et sculpteurs
du Nord rencontrés dans sa jeunesse tels Eugène Leroy, Jacques Dodin
et Charles Gadenne, elle a poursuivi naturellement son inclination
: peindre pour raconter des histoires, ou plus exactement la sienne.
Pour ne pas oublier d’où elle vient, apaiser des tourments peut-être,
comme certaines de ses œuvres : Briser le silence, Le désir de réparation,
Météore déchue, Naître malgré tout…nous le suggèrent.
Une résilience en peinture que cette longue femme brune « en quête
d’épure, de sensibilité et d’émotion », exprime par l’abstraction
depuis le début des années 2010. Presque à rebours de la grande
tendance au retour à la figuration. Peu lui importe. Ses fresques
aux couleurs naturelles, jaune sable, ocre rouge, terre de sienne,
blanc crayeux évoquent des peintures pariétales. On y voit des bombements,
des aspérités, des petits signes (croix, lignes, pointillés) et
des formes (cocons, ovules, matrices, astres, arbres) d’une grande
finesse de traits, souvent apposés à l’encre ou au pastel et surtout
des grattages pour faire surgir ça et là une petite trace antérieure,
« car il ne faut pas recouvrir sa vie ». Des empreintes qui révèlent
de surprenantes couleurs vives, bleu outremer, violet irisé ou rouge
sang dont l’artiste enduit d’abord chaque toile, avant d’adoucir
sa gamme chromatique dans une matière acrylique travaillée en une
superposition de couches qu’elle a tendance à affiner depuis quelques
mois. Comme un besoin de s’alléger, de faire le vide.
Il faut prendre le temps de regarder ce monde entre l’infiniment
petit et l’infiniment grand, habité par une méditation sur l’usure
du temps, la disparition, les obstaclAes, et nourri de ces innombrables
choses vues ou vécues que l’artiste elle-même ne saurait toujours
expliquer. Un univers poétique et complexe, que l’on perçoit de
prime abord immobile, dépeuplé, avant que quelques traces humaines
ou végétales viennent le réveiller, tel l’espoir d’un nouveau souffle
de vie jaillissant du cosmos.
Catherine Rigollet. L'Agora des Arts
(septembre-octobre 2016)
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C'est toujours plus compliqué qu'on ne le croit (Extraits)
Le titre que porte l'une des toiles exposées au MAMC à partir
d'aujourd'hui et jusqu'au 1er novembre résume assez bien la proposition
et le parcours d’Élisabeth Gore, mais il pourrait tout aussi bien
résumer le parcours de la plupart d'entre nous. Cette toile s'appelle
« C'est toujours plus compliqué qu'on ne le croit ». C'est, à
l'évidence, le cas de la plupart des occupations humaines. C'est
aussi, bien sûr, le cas de la création artistique et tout particulièrement
de la peinture.
Entreprendre de peindre, c'est, à très long terme, entreprendre
l'exploration d'un territoire intérieur dont on ne sait rien ou
presque lorsqu'on commence.
(...)
Élisabeth Gore est une obstinée, une jusqu’au-boutiste. Cette
exploration du territoire intérieur est l'affaire de sa vie. Elle
avance sans avoir le désir de réussir ni la crainte d’échouer;
elle accepte d’être qui elle est ou qui elle n'est pas encore.
Les titres de ses toiles n'ont naturellement rien d'anecdotique
et donnent une certaine idée de ce parcours et de sa difficulté.
En voici quelques uns:
- Météore déchu
- Le territoire abandonné
- Le noir qui n’effraye plus
- Au seuil du grand pays
- Vers une renaissance
- Naître malgré tout
- Recherche d'enracinement
- Emmener quelque part
Je vous propose d'accepter l'invitation qu'elle nous fait de nous
« emmener quelque part », de la suivre dans sa méditation silencieuse,
dans sa pérégrination entre les obstacles intérieurs de quelque
nature qu'ils soient, dans son aventure picturale et sa recherche
d'enracinement profond dans un territoire commun à l'humanité
toute entière, et dans sa quête sincère et ardente d'une sorte
de sensibilité universelle.
Paul Villain : commissaire d’exposition
du Musée d'Art Moderne et
Contemporain de Cordes sur Ciel
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La peinture d'Elisabeth Gore vue par Denys-Louis
COLAUX (I)
Ce travail en série, patient, méticuleux, toujours
dans une gamme de couleurs naturelles (comme à l’écart
des effets tapageurs) a retenu mon attention et j’y sentais
une analogie possible avec le poème travaillé en
strophes.
J’y sentais la poursuite obstinée et fructueuse de
quelque chose parce que chacune des séries me semble, -
non pas une énigme résolue, une plaie cicatrisée
-, mais un chemin accompli.
La quête crée la suite des tableaux, elle s’érige,
après une patiente approche, en œuvre. Il y a une
sorte de percolation, de lente matérialisation de l’émotion
originelle pour aboutir à une série.
Il me semble donc que la recherche,
l’hésitation, l’impasse, la relance, l’avancée
sont dans l’œuvre conçue en série, elles
en sont la matière.
Il y aurait là un poème visuel qui donne à
voir, - comme des gestes et des traits nécessaires, indispensables
-, ses biffures, ses corrections, ses accidents, ses progrès
et sa coulée.
Cette idée, - si elle n’est pas un égarement
de ma part -, me passionne.
Cette façon de procéder,
en épuisant un thème, me plaît parce que c’est
précisément dans ce travail d’épuisement
que l’œuvre prend vie.
Il me semble avoir compris que l’évolution
picturale d’Elisabeth Gore l’a menée du figuratif
à l’abstrait.
Dans les derniers éléments de sa peinture encore
figurative, il y a cette suite de six visages qui a d’abord
capté mon attention. L’abstraction, doucement, entre
dans le tableau et ce visage, comme menacé de disparition
(comme ces fresques qui s’effacent soudain sous l’effet
de l’air dans Fellini Roma) en devient plus touchant encore.
Nous comprenons pourtant, en suivant l’œuvre, qu’il
ne s’agit pas d’une disparition mais d’une mutation.
L'oeuvre se choisit un ailleurs, un nouveau territoire. Il y a
une sorte de joie inquiète à marcher dans le sillage
de cette œuvre qui avance.
Précieux don que nous fait
l’artiste. |
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La peinture d'Elisabeth Gore vue par Denys-Louis
COLAUX (II)
Je reviens à l'univers pictural abstrait d'Elisabeth
Gore, univers étrange, unique dans lequel j'aime m'immerger, m'absenter
au monde pour entrer dans la vibration presque immobile mais puissamment
sensible qu'il porte.
J'aime entrer dans ce monde de la nuance, des tons chauds, du dépaysement
accueillant. Ce monde d'une quête qui me hèle. Ce monde de signes
antédiluviens et récents, lointains et frais, issus de la mémoire
et de l'invention, de la création et du hasard, de la fouille archéologique
et du geste contemporain.
Pourtant, j'ai l'impression qu'un lent sablier orchestre la gestuelle
de la peintre, qu'un rythme lent mène son bras. J'ai l'impression
de deviner son souffle dans les signes qu'elle pose. Dans les indices
de sa quête. Dans le monde et en elle-même. Dans le désert et dans
l'oasis. En dehors de l'abondance, à l'écart des pullulements, dans
le précieux recueillement des traces infimes, des griffures, des caresses.
Petites houles, flux, reflux, dépôts, alluvions poétiques. J'entre
en étrangeté, mais une étrangeté hospitalière.
Je cherche à mettre des mots sur ce que je découvre sur ses surfaces
de tons chauds : une entomologie picturale, la traduction du souffle
en hiéroglyphes, l'essentiel établi dans l'infime, l'unité troublée,
émue par un dépôt. Ici, le geste méticuleux et l'aléatoire ont rendez-vous.
Il y a peut-être une magie, il y a une prise de risque, un abandon
de la boussole. Je crois trouver dans les mots une porte non pas d'entrée
car je suis déjà à l'intérieur mais la porte d'une chambre d'écho
où peut-être la peinture et moi pouvons tinter, résonner ensemble
: ici, on assiste à des dévoilements secrets.
On lève le voile sur un voile conducteur. Les traces vivantes semblent
alterner avec les fossiles, un petit essaim de globules de vie erre
dans le désert du monde, le sable et la sève s'entendent, coexistent.
Signer, dirait-on, c'est être dans l'oeuvre, c'est y établir sa discrète
mais radicale présence, c'est se confondre à elle dans un sertissage
intime.
L'oeuvre est une intimité qui respire à l'air libre. Ici, l'aventure
picturale est enclose dans les haies de l'intime et touche au terme
d'une ascension à la sensibilité universelle. Il y a un tour du monde,
un tour du temps au sein de l'être. L'infime et l'immense font poème
commun.
Denys-Louis Colaux est écrivain
et tient un site littéraire et poétique.
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Elisabeth Gore 2023
Photo: Xavier Blondeau |